La délivrance d’un passeport diplomatique à Laurent Gbagbo se fait lentement : l’administration Ouattara veut s’assurer que l’ancien président jouera le jeu de l’ouverture.
C’est à un remake diplomatique du jeu de la carotte et du bâton que va se livrer dans les prochains jours une petite équipe envoyée à Bruxelles par le ministre des affaires étrangères ivoirien Ally Coulibaly pour finaliser la remise d’un passeport diplomatique à l’ancien président Laurent Gbagbo, qui réside dans la capitale belge (voir nos révélations, Africa Intelligence du 13/11/20). Si une partie des diplomates va négocier les derniers détails avec l’ancien chef de l’Etat – en échange de son passeport, la présidence veut que Gbagbo s’engage à jouer le jeu de l’ouverture -, l’autre doit mener un curieux audit non dénué d’arrière-pensées.
Donnant-donnant
A l’occasion de l’émission du passeport de Laurent Gbagbo, les affaires étrangères ivoiriennes ont en effet engagé un vaste examen de tous les passeports diplomatiques attribués par l’ancien président quand il était au pouvoir. Un exercice aux allures de message envers Laurent Gbagbo, ouvertement soupçonné d’avoir été particulièrement généreux en matière de laissez-passer. Au cas où l’ancien président ne saisirait pas l’allusion, c’est par l’ambassade de Côte d’Ivoire à Bruxelles que va démarrer ce très opportun audit.
Soucieuse de border au maximum un accord avec Laurent Gbagbo, l’administration d’Alassane Ouattara prend son temps pour lui remettre le précieux document, qui devait à l’origine être délivré cette semaine. Le retour de l’ex-président en Côte d’Ivoire pourrait, lui, ne pas être effectif avant les fêtes de fin d’année, voire plus tard si les pourparlers venaient à s’éterniser. Comme il s’y était engagé à plusieurs reprises avant la présidentielle, le chef de l’Etat ivoirien devrait également faire un geste dans le cadre de l’affaire du « casse de la BCEAO », dans laquelle Laurent Gbagbo a été condamné en janvier 2018 à vingt ans d’emprisonnement. Une intervention du président ivoirien qui viserait donc à faciliter le retour au pays de son prédécesseur.
Alors qu’Alassane Ouattara s’est lancé depuis une dizaine de jours dans un vaste dialogue avec le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et le Front populaire ivoirien (FPI), le président ivoirien doit finaliser ce week-end les tout derniers détails de son projet d’ouverture politique à l’opposition.
Ces tractations, révélées par Africa Intelligence, pourraient expliquer l’attitude plutôt controversée de Laurent Gbagbo depuis le début de la crise électorale en Côte d’Ivoire. Après échec d’exclure Pascal Affi N’guessan de la coalition, son interview mitigé sur TV5 à 48 heures de l’élection présidentielle, pendant lequel, il n’a pas clairement soutenu le mot d’ordre de boycott de la coalition de l’opposition à laquelle il participe pourtant, le boycott du Conseil National de Transition (CNT), l’initiative des négociations avec Hamed Bakoyoko, il apparait clairement que l’ex-président ivoirien se la joue solo, en abattant la carte de l’opposant pacifique ouvert au compromis et au dialogue.
Tout cela pour un passeport? Ou est-ce simplement les leçons tirées de sa chute d’avril 2011? L’avenir nous le dira.
Hervé Christ