La nouvelle du décès du Colonel Major Issiaka Ouattara dit Wattao est parvenue officiellement tôt ce matin du lundi 6 Janvier. De New York aux USA où il était pour suivre un traitement choc contre la maladie qui le ronge depuis un bout de temps, Wattao ne rentrera plus vivant sur sa terre d’origine.
Qui était cet homme ? Quel est son parcours ? Comment a-t-il obtenu une si grande réputation dans le milieu people et culturel ivoirien ?
La mémoire collective ivoirienne a entendu résonner le nom de Wattao lors du coup d’État manqué à Abidjan en Septembre 2002 sous l’ère Laurent Gbagbo. Une bande de mutins, rebelles, appelés assaillants, tentaient de renverser le pouvoir en place. Après un échec à Abidjan, ces troupes ont replié vers le centre du pays pour occuper tout le nord. Wattao ou encore “Saha bélébélé” qui signifie en langue malinké grand serpent (il était imposant par son physique) faisait partie des principaux chefs rebelles militant pour le changement et pour la cause des populations nordistes dites marginalisées à l’époque.
Bien avant ce coup de force qui l’a propulsé au devant, Wattao était connu dans les forces armées pour avoir participé à une mutinerie en 1990. Il a également fait partie des soldats qui ont soutenu la prise de pouvoir en 1999 avec l’éviction du Président Henri Konan Bédié par le Général Robert Gueï. Soupçonné de fomenter un autre coup d’État, il part en exil avec d’autres compères militaires comme Ibrahim Coulibaly “IB” au Burkina voisin où ils retrouvent Guillaume Soro.
En 2002, ils reviennent au pays, tandis que Laurent Gbagbo purge sa deuxième année de mandat après sa victoire aux élections 2000. L’échec à Abidjan les pousse à occuper les régions du centre et du nord du pays où chaque chef rebelle règne en Commandant de zone. Le pays est alors divisé en deux jusqu’à ce qu’advienne la crise militaro-politique d’envergure internationale en 2011 après les élections controversées de 2010 où Alassane Ouattara (dont Wattao est sympathisant) et Laurent Gbagbo s’autoproclamaient Président.
Lors de l’arrestation de Laurent Gbagbo terré dans un bunker de la résidence présidentielle refusant de libérer le pouvoir, le monde entier a vu des ex-rebelles tentant de le violenter. N’eût été l’intervention de Wattao le pire aurait pu se produire ce jour-là. Devant les caméras et photos de médias français en exclusivité, on voit Wattao prendre soin de l’ex Chef d’État ivoirien, l’aidant à s’habiller et le conduisant sous sa haute protection devant ses hommes surexcités et prêts à le lyncher. Ces images ont ému plus d’un ivoirien quel que soit son bord politique.
Loin d’être un tyran grincheux et sanguinaire, Wattao apparaît comme un bon vivant, comme tout bon ivoirien. Un homme de fer militaire arborant toujours un sourire et laissant apparaître sa brèche légendaire. Bien que son son nom revienne chaque fois dans les mutineries qu’ont connu la Côte d’Ivoire, Wattao est beaucoup plus dans la réalité un adepte du fameux dicton ivoirien “S’amusement est plus doux que la guerre”.
Dans le célèbre documentaire “Passeport pour le crime” de la chaîne 13eme Rue avec Christophe Hondelatte, on le voit exhiber son parking garni de belles voitures de luxe (Maserati, Ferrari, Hummer,…), arborer des montres de plus de 40.000 euros (soit plus de 26 millions de FCFA). “Toutes ces belles voitures, je les achète aux USA et je les revends ici. C’est mon business. Le salaire ne suffit pas”, affirme-t-il quant à la provenance de tous ses biens.
Wattao adorait aussi les chiens, plus particulièrement les Huskys. C’est d’ailleurs avec l’un de ses chiens préférés qu’il a fait la couverture du Life Magazine N°79 d’Avril 2013.
Le commandant d’alors qui a reçu dernièrement le grade de Colonel Major de l’armée, était également très proche du milieu people ivoirien. Il n’hésitait pas à aider financièrement les artistes et autres acteurs du showbiz ivoirien qui le sollicitaient. Son nom revient dans de multiples chansons tubes coupé-décalé, zouglou, hip hop,…
L’un des derniers faits marquants, c’était le partage du repas avec de nombreux acteurs du monde culturel lors de la fête de Tabaski à son domicile. Le boss Molare, les chanteurs Serge Beynaud, Kerozen, les humoristes Digbeu Cravate, Yvidero pour ne citer que ceux-là, avaient investi son domicile où il organisait une réception.
Il a aussi la renommée et la reconnaissance de sa région d’origine. En pays Koulango, dans la région de Bouna et Bondoukou, il est l’un des piliers du développement urbain participant activement à la construction et au reprofilage des routes en zones rurales, l’adduction en eau potable dans les villages et la constructions des écoles primaires et des centres de santé.
Wattao, il convient de le rappeler, était également un excellent sportif. Pratiquant le judo pour le compte de la société omnisports de l’armée, il a décroché le titre de vice-champion d’Afrique aux Jeux de la Francophonie de 1992 à Harare au Zimbabwe.
Aujourd’hui, Wattao appartient autant aux forces armées qu’au milieu culturel ivoirien. À l’occasion de la présentation des voeux au Président de la République ce 6 Janvier, Alassane Ouattara a annoncé des obsèques nationales pour Wattao.
Source : LifeMag