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Tout savoir sur le sommet Russie-Afrique à Sotchi

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Le président russe Vladimir Poutine lors du sommet Russie-Afrique, à Sotchi, le 23 octobre 2019. MIKHAIL METZEL / AFP

A Sotchi, la Russie se pose en défenseure des souverainetés africaines

Par , pour le MondeAfrique

A l’occasion du sommet Russie-Afrique, premier du genre, Moscou a aussi envoyé un message de défi à l’intention de l’Occident.

A l’exercice des grandes déclarations d’amitié assénées comme on déclame un toast, les Russes ont toujours excellé. Et les sommets diplomatiques se prêtent parfaitement à ces formules un rien compassées. Celui de Sotchi, les 23 et 24 octobre, le premier entre la Russie et l’Afrique, n’a pas échappé à la règle : depuis le souvenir des relations développées à l’époque soviétique jusqu’aux promesses d’un accroissement exponentiel des échanges, les participants ont affiché un optimisme et une bonne humeur à toute épreuve.

Pour la partie russe, il s’agissait d’abord de répondre à l’injonction du président, celle de développer les relations commerciales. Depuis l’entrée du sommet, jalonnée de véhicules blindés, hélicoptères, tracteurs ou rames de tramway, jusqu’aux allées présentant matériel médical, chocolat ou armes automatiques, le sommet de Sotchi avait d’abord des allures de grande foire. Malgré les tentatives d’élargir les discussions à d’autres secteurs – médical, haute technologie… –, les secteurs traditionnellement forts de la Russie tenaient le haut de l’affiche : extraction minière, hydrocarbures, nucléaire, armes…

Tant pis si aucun contrat majeur n’a été annoncé, le message des Russes aux Africains était clair : ceci n’est qu’un début, nous avons le temps. « Nos échanges ont doublé. Les experts disent que c’est bien. Moi je dis que c’est trop peu », a martelé le président russe. Avec 20 milliards de dollars en 2018 (dont 7,7 milliards pour la seule Egypte), les échanges entre Moscou et le continent sont ainsi équivalents à ce que réalisent la Turquie ou le Brésil, très loin derrière la Chine (200 milliards).

Un passage obligé
Conscient de ne pas disposer des atouts de certains de ses concurrents – financiers pour la Chine, humains pour la France… –, Moscou a agrémenté cette offre d’un fort message politique, résumé par un mot martelé dans toutes les interventions publiques : souveraineté.

« Nous ne sommes pas dans une vision colonialiste, a ainsi assuré lors d’une table ronde Mikhaïl Bogdanov, vice-ministre des affaires étrangères, qui a initié ces dernières années le « retour » russe en Afrique. Nous voulons des coopérations sur des bases égalitaires, en lien avec les ensembles régionaux, ancrées dans le temps. » Ce n’est sans doute pas un hasard si M. Bogdanov est avant tout, à Moscou, le principal superviseur du dossier syrien, dans lequel le Kremlin a montré sa constance à défendre invariablement les régimes en place. Cette constance fait partie des messages régulièrement envoyés à l’Afrique par la diplomatie russe. Celle-ci s’abstient également de poser, à la différence de ses homologues occidentales, de quelconques exigences en matière de « bonne gouvernance ».

Le sujet de la souveraineté n’est certes pas nouveau et il est un passage obligé de tout discours public à destination de l’Afrique, naturellement demandeuse de telles assurances. Mais à Sotchi, il a été poussé à l’extrême, utilisé tant comme « argument de vente » que comme un message de défi à l’intention de l’Occident.

On a ainsi vu, mercredi 23 octobre, l’oligarque Konstantin Malofeev conduire une table ronde sur « le complot contre l’Afrique », au cours de laquelle l’homme d’affaires, connu pour son engagement religieux ultra-orthodoxe a estimé que les préconisations du FMI visaient à « renverser des gouvernements et conduisaient à la guerre civile ». Le milliardaire, qui a participé à plusieurs des manœuvres secrètes de la Russie à l’étranger ces dernières années, à commencer par l’annexion de la Crimée et le déclenchement d’une rébellion dans l’est de l’Ukraine, a mis en place une fondation dédiée à l’Afrique un mois seulement avant le sommet. L’Agence internationale pour le développement souverain se veut un intermédiaire entre Etats africains et entreprises « éthiques, qui ne pillent pas l’Afrique », selon l’un de ses employés.

Eventuels partenaires
A grand renfort de graphiques, M. Malofeev montrait ainsi les profits gigantesques réalisés par les sociétés minières occidentales. Et tant pis si, dans les salles voisines, les géants russes du secteur, Rusal ou Alrosa, tentaient eux aussi de convaincre d’éventuels partenaires de les laisser investir dans leurs pays.

L’accent a aussi été mis sur la nécessité de sortir des échanges uniquement en dollars – une constante de la diplomatie russe – et même d’utiliser des moyens de paiements imperméables à d’éventuelles sanctions internationales, comme le système de paiement russe MIR. Dans le langage de Konstantin Malofeev, cet engagement était formulé ainsi : « Mouammar Kadhafi a essayé de refuser le monopole du dollar, vous voyez comment ça a fini. Nous refusons la peur. » L’activiste antisémite Kémi Séba, devenu ces dernières années un agent d’influence russe sur le continent et connu pour son engagement anti-franc CFA, était également présent dans les coulisses du sommet.

Publiquement, les participants africains se sont bien gardés de sauter sur les propositions russes. Mais les arguments ont de quoi parler à nombre d’entre eux. L’intervention du patron de l’agence de presse marocaine MAP, Khalil Hachimi Idrissi, résumait bien ce sentiment : « La Russie peut être pour nous un partenaire qui rétablit un équilibre, plus attentif à nos spécificités et qui nous sorte d’un huis clos avec l’Occident ou la Chine. »

Une alternative
Autre exemple de la façon dont ce sommet, pour l’essentiel très classique, pourrait préfigurer de la transformation de l’Afrique en futur terrain d’affrontement géopolitique comme idéologique, la table ronde conduite par Alexandre Malkevitch sur « les valeurs traditionnelles et la souveraineté », un thème cher à Moscou qui assume de plus en plus ouvertement son opposition au libéralisme. « C’est une opposition aux valeurs occidentales, sur le patriarcat ou l’éducation sexuelle, par laquelle nous, Russes, sommes déjà passés », a expliqué M. Malkovitch, un « spin doctor » sanctionné aux Etats-Unis (il y a même été brièvement arrêté puis expulsé, en 2018) pour avoir essayé de lancer plusieurs médias assimilés par les autorités américaines aux « usines à trolls » qui ont tenté d’interférer dans différents scrutins. L’homme est aussi un associé d’Evgueni Prigojine, l’homme des missions secrètes de Moscou en Afrique et de la compagnie de mercenaires Wagner.

Cette table ronde était organisée sous l’égide d’une ONG nouvellement apparue avec le soutien de Moscou, Afric, qui se veut une alternative aux missions d’observation électorale existantes, et également très active dans la contestation de la souveraineté française sur les îles Eparses, dans l’océan Indien.

Marie-Noëlle Koyara, ministre de la défense de la République centrafricaine, un pays où l’influence russe est particulièrement marquée, y a notamment assuré : « La grave crise qu’a connue notre pays tient au fait qu’on nous propose toujours des solutions de l’extérieur, sans tenir compte de nos valeurs traditionnelles. » Plus virulente, et aussi plus applaudie, l’opposante ivoirienne Nathalie Yamb lançait : « L’Afrique francophone est encore sous le contrôle de la France, qui avance masquée. (…) Nous sommes contre le franc CFA, pour le démantèlement des bases militaires françaises, qui ne servent qu’à piller nos ressources, entretenir des rébellions et entraîner des terroristes. »

Cette table ronde était organisée sous l’égide d’une ONG nouvellement apparue avec le soutien de Moscou, Afric, qui se veut une alternative aux missions d’observation électorale existantes, et également très active dans la contestation de la souveraineté française sur les îles Eparses, dans l’océan Indien.

Marie-Noëlle Koyara, ministre de la défense de la République centrafricaine, un pays où l’influence russe est particulièrement marquée, y a notamment assuré : « La grave crise qu’a connue notre pays tient au fait qu’on nous propose toujours des solutions de l’extérieur, sans tenir compte de nos valeurs traditionnelles. » Plus virulente, et aussi plus applaudie, l’opposante ivoirienne Nathalie Yamb lançait : « L’Afrique francophone est encore sous le contrôle de la France, qui avance masquée. (…) Nous sommes contre le franc CFA, pour le démantèlement des bases militaires françaises, qui ne servent qu’à piller nos ressources, entretenir des rébellions et entraîner des terroristes. »

Benoît Vitkine, (Sotchi, Russie, envoyé spécial)

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Afrique de l´Ouest: La sous-région en tension, quel choix géostratégique?

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Konaté ABDOURRAHIM, Analyste en science politique

La théorie des dominos est une théorie géopolitique américaine énoncée au XXème siècle, selon laquelle le basculement idéologique d’un pays en faveur du communisme serait suivi du même changement dans les pays voisins, selon un effet domino.

La configuration géopolitique actuelle de notre région est l’illustration parfaite de ce concept de l’ancien président américain Eisenhower.

En effet, depuis maintenant trois ans, nous assistons à une rémanence des coups d’Etats dans notre région, notamment dans les républiques francophones.  D’abord le Mali, après un double coup d’Etat, les nouvelles autorités du pays, à leur tête le colonel Assimi Goïta dénoncent la présence de la force Barkane sur le sol malien en pointant du doigt son inefficacité face à la recrudescence des attaques terroristes qui endeuillent le pays. Elles se tournent vers les mercenaires Wagners, parrainée par la Russie.

Ensuite le Burkina Faso, des officiers, au nom de l’insécurité grandissante dans le pays ont déposé le président Roch Marc Kaboré. L’homme à la manœuvre est le colonel Damiba. Jugé inefficace et trop docile à la France, il sera à son tour renversé par un coup d’Etat dirigé par le jeune officier, capitaine Traoré Ibrahim. Une fois aux affaires, il va suivre les traces de son grand voisin et demande à l’Élysée le retrait de ses troupes stationnées sur le territoire burkinabé.

On comprend bien que par ces actions, l’allié potentiel sera encore la Russie. Aujourd’hui c’est le président Mohamed Bazoum qui vient d’être déposé par un putsch orchestré par le commandant de la garde présidentielle. Le Gl Tchiani, comme Assimi du Mali et Traoré du Faso a lui aussi évoqué la menace terroriste et l’inefficacité tactique du président face au terrorisme pour justifier son coup d’Etat.

Évidemment, comme pour les deux précédentes, les nouvelles autorités nigériennes demandent aussi tôt le retrait des forces françaises du territoire. On comprend dès lors tout le sens de la théorie des dominos. Dans notre cas, elle constitue clairement le basculement des pays autrefois dans la sphère d’influence française vers celle de la Russie.

Bien sûr, la question qui nous vient à l’esprit est, est-ce le bon choix pour résoudre nos problèmes sécuritaires ? Sécuritaires, par ce que la sécurité est la condition sine-qua-non à tout désir de développement.

Nous devons apprendre à réinventer l’imaginaire africaine, l’adapter à la réalité, la rendre plus pragmatique. L’émotion et la naïveté ne sauraient conduire le destin de tout un peuple, toute une génération. La configuration géopolitique n’est pas une guerre du bien contre le mal. Certainement pas. Ceux qui pensent que David vient à la rescousse de l’Afrique pour combattre et la débarrasser du grand Goliath, je vous invite à vous détacher de la vertu cartésienne et faire face à l’immoralité de la géopolitique. « L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. Seule la lutte libère » Ainsi parlait le capitaine Thomas Sankara.  Ne nous y trompons pas. Ce qui se joue au Sahel, précisément dans notre sous-région n’est rien d’autre que le positionnement des puissances extérieures. Des puissances qui considèrent notre région comme un terrain de bataille géopolitique pour étendre leurs influences. Face à ces prédateurs, notre position doit être rationnelle, guidée par nos intérêts et par le bien-être de nos peuples. C’est naïf de croire que la France ou la Russie sont nos amis, comme le colon l’a fait croire à nos ancêtres. De Gaulle lui-même, nous le dit en ces termes « Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts ». Ce principe est aussi vieux que le monde. Sun Tzu dans son remarquable livre, l’art de la guerre, nous confirme cela. « Il existe des intérêts permanents, mais pas d’ami éternel ». Rappelez-vous, avant le coup d’Etat au Niger, cet État était à couteau tiré avec le Mali. Mais aujourd’hui le Mali est prêt à défendre le Niger contre une possible intervention militaire de la CEDEAO au Niger.  La géopolitique n’est pas une science exacte. Les positions varient en fonction des intérêts, même s’il faut flirter avec le diable pour assurer le bien-être être de son peuple.  Notre position doit être une position africaine.

Nous aspirons à une Afrique libre, indépendante, responsable et surtout lucide dans le choix stratégique de ses partenaires.

Je termine cet article avec la célèbre pensée de Cheick Anta Diop, que tout africain devrait s’approprier. « Armez-vous de sciences jusqu’à la dent. À formation égale, la vérité triomphe. »

Konaté ABDOURRAHIM

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NIGER: Emanuel Macron cède aux injonctions du Général Tchiani

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Général Abdourahamane Tchiani, Chef de l´Etat du Niger et Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie

Le Bras de fer qui opposait le peuple du Niger au gouvernement de monsieur Emanuel Macron, vient de connaitre son dénouement.

En effet, depuis près de deux mois les nouvelles autorités du Niger qui ont renversé Mohamed Bazom ont mis fin à l´accréditation de l´ambassadeur de Macron dans leur pays. Le président français qui disait ne pas reconnaitre les militaires au pouvoir à Niamey avait catégoriquement rejeté l´idée d´un rappel de son ambassadeur.

Le rapport de force qui opposait le pouvoir de la junte nigérienne conduite par le Général Tiani, au président français est pour l´heure à l´avantage du gouvernement du Niger et de son peuple. Hier dimanche 24 septembre 2023, monsieur Emanuel Macron a décidé de rappeler son ambassadeur et annoncé que les 1500 militaires français présents aux Niger seraient rapatriés d’ici à la fin de l’année.

Dans le même le Conseil national pour la Sauvegarde de la Patrie CNSP a annoncé l´interdiction du survole de son territoire par les avions français. Cette nouvelle décision oblige le gouvernement de Macron à négocier avec le Général Tiani et ses hommes.

Leadernewsci

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Qui est Ali Mahamane Lamine Zeine, le nouveau premier ministre du Niger ?

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Ali Mahamane Lamine Zeine, nouveau premier nigérien

Depuis le 27 juillet 2023, le Général Abdourahamane Tchiani, chef du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) qui a déposé Bazoum, est le nouveau Chef de l´État du Niger. Alors que les sanctions pleuvent sur le pays, les militaires au pouvoir, adoubés par le peuple, avancent avec assurance. De ce fait, le 7 Août 2023 le Général Tchiani a nommé Ali Mahamane Lamine Zeine au poste de Premier ministre de la transition.

Qui est Ali Mahamane Lamine Zeine, le nouveau premier ministre du Niger ?

Ali Lamine Zeine est né en 1965 à Zinder, diplômé du Centre d’études financières, économiques et bancaires de Marseille et Paris-I,
il a également été représentant résident de la Banque africaine de développement (BAD) en Côte d’Ivoire, au Gabon et au Tchad. D´abord directeur de cabinet de l´ancien président Mamadou Tandja, il fut nommé au gouvernement en tant que ministre de l’Économie et des Finances le 24 octobre 2003.

Le 18 février 2010, Mamadou Tandja est évincé par un coup d’État militaire et son gouvernement est dissous. Ali Zeine l’un des trois principaux ministres de Tandja, qui n’est pas rapidement libéré de sa résidence surveillée dans les jours qui suivent le coup d’État. Selon l’un des chefs de la junte, le colonel Djibrilla Hamidou Hima, les ministres « encore sous surveillance » auraient détenu des « portefeuilles très sensibles » et il était donc nécessaire « d’assurer leur sécurité ». Le MNSD ex-parti au pouvoir avait demandé et obtenu la libération de Zeine, Tandja et les autres emprisonnés.

À 58 ans, l’économe Ali Mahamane Lamine Zeine va diriger un gouvernement pour la toute première fois. Il devra former un gouvernement dans les jours à venir.

Les attentes sont nombreuses surtout avec l´embargo de la CEDEAO et l´asphyxie financière imposée par l´Union Économique et Monétaire Ouest Africain (UEMOA).

Saint Léo

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