Après l’adresse à la nation du président Alassane Ouattara, le lundi 23 mars 2020, relativement à la pandémie du Coronavirus, nous avons approché monsieur Haumar Sory, Délégué Régional à l’Implantation de LIDER en Suisse et en Italie, avec qui, nous avons fait le tour des mesures annoncées par le Chef de l’Etat. Entretien….
Bonjour monsieur, quelques heures après que Leadernews se soit inquiété de savoir où était passé Alassane Ouattara alors que l’épidémie du Coronavirus se répandait en Côte d’Ivoire, il a fait une apparition solennelle dans une adresse à la nation, avec à la clé de nouvelles mesures visant à stopper la propagation virus. De façon générale que vous inspire ces nouvelles mesures?
Bonjour monsieur et merci de l’opportunité que vous nous offrez de traiter cette sortie du président Alassane Ouattara, qui manque de sens de responsabilité, de courage et qui dénote surtout du manque d’amour et du dédain que ce monsieur a pour les populations ivoiriennes. Sans oublier le manque de transparence totale dans la gestion que son gouvernement fait de cette crise. Le Professeur Mamadou Koulibaly a d’ailleurs eu le nez creux, quand il annonçait dans sa célèbre tribune web « Jeudi c’est Koulibaly », qu’Alassane Ouattara se venge des ivoiriens. C’est ce qui explique certainement ce mépris exacerbé, vis-à-vis de la vie des ivoiriens, avec lequel lui et son premier ministre-successeur Amadou Gon Coulibaly gèrent la crise épidémique qui frappe la Côte d’Ivoire. Sinon comment comprendre alors qu’il en soit encore à tergiverser dans la prise de décisions, là où il existe déjà de nombreux exemples, des bons comme des mauvais, sur lesquels il aurait pu s’appuyer pour prendre les décisions qui s’imposent pour protéger la première richesse du pays, je veux dire son capital humain, donc ses populations. Populations dont il jouit, insolemment d’ailleurs, du fruit de du travail.
N’êtes-vous pas un peu trop dure quand on sait qu’il a décrété un couvre feu, annoncé la prise en charge gratuite du dépistage et des malades, la mobilisation de près de 100 milliards de FCFA, le confinement progressif et bien d’autres mesures…?
C’est justement cette impression qu’Alassane veut donner à l’opinion. Celle de faire croire qu’il est en train d’agir. Alors qu’en réalité, il se moque bien de ce qui peut arriver aux ivoiriens. Un couvre feu à partir de 21 H, c’est un non-sens, c’est irresponsable et inadéquat devant la menace qui plane sur la Côte d’Ivoire. Jusqu’à preuve du contraire, aucune étude n’a encore démontré que nous avons à faire à un virus noctambule, donc qui ne se transmet que de nuit, ou encore que les populations ivoiriennes, comme des chauves-souris, ne sortent que de nuit. Dans un pays où 90% de la population en âge de travailler évolue dans le secteur informel, il est clair que le flux humain est plus considérable en journée qu’en soirée. Le couvre-feu devrait donc intervenir plutôt, au plus tard à 12:00 par exemple, pour permettre aux populations de faire quelques courses, avec une réglementation stricte de l’accès aux surfaces de vente et aux marchés de produits d’alimentation. Le confinement progressif ayant montré ses limites dans les pays comme l’Italie, 63 927 cas de Covid-19 détectés et 6 820 décès depuis le début de l’épidémie, dont 743 dans les dernières 24 heures, il faut aller directement à un confinement total, cela dès maintenant, par l’arrêt de toutes les activités non essentielles à la vie quotidienne, en plus du couvre feu. L’imminence de cette mesure s’impose surtout à cause du système de santé précaire et déficitaire de la Côte d’Ivoire, en termes, d’équipements, de couverture géographique, et de ressources humaines. La seule issue pour empêcher un propagation rapide et exponentielle du virus est donc de prendre des mesures drastiques et coercitives maintenant et non progressivement; parce que quand la tempête sanitaire et épidémiologique s’abattra sur nous, nous ne pourrions pas compter sur nos abris traditionnels en cas de crise sanitaire, c’est à la dire la communauté internationale ou bien les pays dits développés, qui eux-mêmes, tellement dépassés par l’ampleur du fléau, en sont à choisir, chez eux, qui il faut sauver, qui il faut laisser mourir. C’est un proverbe Bambara qui dit que quand le tonnerre gronde, chacun pose sa main sur sa tête. C’est donc à chacun de sauver sa tête.
Et vraiment 100 milliards FCFA pour cette épidémie quand on est conscient de la logistique nécessaire pour y faire, c’est vraiment un coup d’épée dans l’eau. N’est ce pas plutôt, l’occasion rêvée pour lui l’occasion de mettre à contribution les 3400 milliards de budget de souveraineté qu’il a touché en 10 ans?
Quand on voit les difficultés qu’il y a dejà à faire appliquer ces mesures que vous jugées insuffisantes, pensez-vous que plus de coercition serait-ce faisable? Et comme vous l’avez dit, 90% des travailleurs sont dans l’informel et donc vivent le jour au jour, Comment pourront-ils donc selon vous subvenir à leur besoin, si le confinement était total?
Ne reconnait-on pas l’arbre à ses fruits? Que pourrions-nous bien attendre de populations dont les dirigeants eux-mêmes sont quotidiennement en conflit avec le respect des règles qu’eux-mêmes édictent. L’indiscipline et l’incivisme qui ont pignon sur rue en Côte d’Ivoire et qui s’y sont finalement imposés comme la norme sont enseignés par les élites qui restent, malheureusement d’ailleurs, les seuls repères dans cette société en quête de valeurs, de repères et d’identité. Nous avons tous été témoins de l’incident très grave, vu la menace épidémiologique contextuelle, de l’INJS, où des membres du gouvernement et/ou leurs proches (NDLR A’Salfo, Adama Bictogo, Alain Donwahi, Jacques Anoma, etc.) ont été soustraits de la quarantaine que ce même gouvernement, à travers son ministère de la santé, leur avait imposée, à leur retour de la France, pays qui compte officiellement 22 230 cas, avec plus de 1000 morts. Je dis officiellement, parce que la France est soupçonnée de cacher l’ampleur réel de l’épidémie sur son territoire. En Côte d’Ivoire, une certaine élite pousse donc l’incivisme, l’indiscipline et l’imbécillité jusqu’à se croire supérieur aux citoyens lambda devant la maladie. S’ils croyaient en cela, parce qu’ils avaient les moyens d’aller se faire soigner en Europe, aujourd’hui, devant le coronavirus, ils doivent se résoudre à constater que ce la n’est plus le cas. Personne ne peut aller en Europe, tous doivent faire face à l’épidémie sur place, avec le système sanitaire désuet qu’ils entretiennent en Côte d’Ivoire pour les braves populations. Nous suivons d’ailleurs de près l’incident de l’INJS, car Alassane Ouattara a eu au moins le mérite de l’évoquer dans son message à la nation, en saisissant le procureur afin d’y donner des suites judiciaires. Espérons que ce ne soit pas une énième enquête judiciaire qui finisse dans les tiroirs du palais de justice sans aucune suite.
Cela dit, nous sommes conscients de la précarité économique dans laquelle vit les ivoiriens, nous ne la nions pas, mais nous croyons fermement que cette précarité ne saurait être évoquée pour justifier qu’on les expose à des risques sanitaires qui deviendront très vite incontrôlables et mettront en péril leur droit inaliénable à la santé et à la vie. L’inde où vit 70 millions de personnes dans l’extrême pauvreté vient de décréter, le confinement total de sa population. C’est donc une nécessité sanitaire qui ne doit pas avoir d’état d’âme. Maintenant, il appartient au gouvernement ivoirien de prendre des mesures d’accompagnement pour soutenir les foyers les plus nécessiteux, et pour garantir les revenus des travailleurs des secteurs formels, pendant la période de confinement. C’est dans les cordes du gouvernement de mobiliser des ressources à cet effet en mettant à contribution par exemple les salaires des ministres, président d’institutions, des député et hauts cadres administratifs. Ils ont assez de ressources de côté, quand on sait comment ils se gavent de l’argent public. Aussi, ils n’iront pas en mission pendant cette période. Leurs frais de missions pharaoniques peuvent aussi être réquisitionnes. Il suffit donc d’un peu d’amour pour son peuple, de volonté, de sens de responsabilité, d’engagement citoyen et enfin d’intérêt vis-à-vis de la condition des populations pour que le confinement total soit bien accompagné.
Pensez-vous que même un tel sacrifice de la part des gouvernants suffirait-il à soutenir ces millions de personnes qui vivent dans la précarité?
Je ne suis pas d’accord avec le terme sacrifice que vous employez. Cette contribution des autorités politiques de ce pays ne sera que justice et équité, dans cette situation de crise sanitaire mondiale grave qui a amené certains chefs d’Etat à affirmer que « nous sommes en guerre ». Depuis 10 ans le peuple ivoirien consent d’énormes sacrifices, pendant qu’eux s’embourgeoisent. Voilà 10 ans que le l’argent travaille avec eux, sans circuler dans les mains du peuple. Il est temps, devant cette situation de crise exceptionnelle, qu’ils se résolvent à faire contre mauvaise fortune bon cœur, en acceptant ce compromis temporellement limité, le temps donc de la crise.
Maintenant, nous vivons dans une société où le gap en terme de revenus entre riches et pauvres est tellement considérable. Ces riches étant en majorité des acteurs politiques, qui gèrent les biens publics, je suis convaincu que des millions de personnes pourront subvenir à leurs besoins primaires vitaux pendant au moins un (1) mois. Prenons seulement le salaire des membres du parlement, députés et sénateurs, 2 millions de francs pour 550 personnes par mois, c’est déjà plus d’un milliards par mois, ajouter à cela, les salaires des 41 membres du gouvernement, d’Alassane Ouattara lui-même et son budget de souveraineté de 342 milliards par an, des rentes viagères des anciens ministres, présidents, députés et autres. Mamadou Koulibaly enseigne à l’université depuis 9 ans en renonçant à son salaire mensuel. Cela malgré que Ouattara refuse de lui verser la rente viagère à laquelle il a droit depuis son départ de l’Assemblée nationale. Ce n’est donc pas un ou deux mois salaires qui ébranleraient cette bande de dirigeants actuels, corrompus et qui se gavent de l’argent public dans la démesure.
Vous aviez tantôt abordez le manque de transparence du gouvernement dans la gestion de la crise. Qu’entendiez-vous exactement par là?
Dans une telle crise l’arme fatale est l’information. Bien gérée, elle est un facteur efficace de lutte, mal gérée, elle conduit irréversiblement à la catastrophe. Si il y a une chose que ce gouvernement a tout de même réussi, c’est la campagne concernant le respect des mesures d’hygiènes à observer pour se préserver de la maladie. On n’a malheureusement l’impression que c’est à cela que le gouvernement résume sa lutte contre la pandémie. Sensibiliser à l’observation de ces mesures, c’est bien, mais pas suffisant ni dans la gestion d’une telle crise, ni pour empêcher la propagation du virus. À côté de ces mesures donc, il doit y avoir une dynamique claire de détection des cas d’infections, et de leur prise en charge. Combien de tests de dépistage avons-nous? Où se trouvent les centres ou hôpitaux de dépistage dans les différents régions? Comment les cas détectés sont pris en charge? Le virus s’attaquant essentiellement au système respiratoire, combien d’appareils d’assistance respiratoire avons-nous? Quelle est la tranche d’âge des populations dépistées positives? Dans quelles zone géographique se situent les cas confirmé?
Quand on connait la précarité du système sanitaire ivoirien en terme d’équipements, voilà des questions pertinentes auxquelles les ivoiriens devraient avoir une réponse. Cela les aideraient déjà à prendre la mesure réelle de la menace qui plane sur le pays et les conduiraient certainement à plus de discipline.
En plus, ce manque de transparence du gouvernement nous fonde à n’accorder aucun crédit aux chiffres qu’il communique sur les cas enregistrés. Il y a qu’à voir la guerre récente de chiffre qu’il y a eu avec un média français qui a annoncé 1 mort dû au virus que le gouvernement a par la suite démenti. Nous croyons fermement que, soit le gouvernement nous cache les chiffres de l’ampleur réelle de l’épidémie, soit il n’en a pas lui-même connaissance, parce que n’ayant mis en place aucun système sérieux et/ou clair de dépistage. J’ai eu des témoignages d’au moins une personne présentant des symptômes qui n’a pu ni se faire bien orienté par le 143, ni se faire tester dans les centres de santé qu’elle a parcouru, et pire, s’est vue refusée le test à l’Institut National de la Santé Publique, sous le prétexte qu’elle ne présentait pas les signes, alors qu’on a toute suite paniqué quand elle a retiré le masque qu’elle portait. Le chiffre de 96 cas connus ce jours, vendredi 27 mars 2020 est donc, selon moi, très loin de la réalité.
Devant ce tableau inquiétant que vous dépeignez. que proposez vous aux ivoiriens?
J’en appelle à la désobéissance citoyenne en Côte d’Ivoire. Devant la crise, partout dans le monde, les autorités confinent leur population pour tenter de stopper la propagation de la maladie. La Côte d’Ivoire ne saurait se soustraire à cette dynamique, surtout que, devant la précarité de son système de santé, elle peut se payer le luxe de s’offrir une crise épidémiologique avec une amplitude italienne ou même maintenant espagnole sur son sol. J’invite donc les ivoiriens à ignorer le couvre-feu instauré de 21h à 5h et de rester confinés toute la journée chez eux à la maison. Tous ceux dont l’activité professionnelle n’est pas indispensable à la satisfaction des besoins primaires des populations doivent rester chez eux, pendant au moins un (1) mois.
Devant l’irresponsabilité du gouvernement, pour cause de mépris ou de refus de faire face à son échec en termes de santé publique après 10 ans de pouvoir, il appartient au peuple souverain de prendre ses responsabilités, en prenant la mesure de la grave menace à laquelle elle est confrontée, et s’organiser souverainement avec plus d’intelligence que son gouvernement, pour y faire face. Voilà ma proposition.
Fin d’entretien
Propos recueillis par Hervé Christ