S’il y a une leçon à tirer de la crise sanitaire mondiale due à la Covid-19, c’est que la santé joue un rôle crucial dans l’organisation économique et sociale de nos sociétés. Les pays parmi les plus touchés par la pandémie disposant d’un système de santé robuste et d’un niveau moyen de santé élevé, s’en sont mieux sortis que les autres.
La Côte d’Ivoire, pour amorcer un développement durable et pérenne, doit pouvoir compter sur une main-d’oeuvre et un capital humain bien formés et en bonne santé. Seulement, le système de santé ivoirien fait face à de nombreuses insuffisances, au nombre desquelles figurent un déficit de transparence dans la gouvernance, un déficit qualitatif et quantitatif des ressources humaines de santé, un financement de la santé inopérant basé essentiellement sur la contribution de populations de plus en plus pauvres, et un déficit d’outils modernes de collecte de données qui complique la gestion et la planification.
Pour relever tous ces défis, le système de santé ivoirien a besoin non seulement de cadres compétents, mais aussi d’une volonté politique claire au sommet de l’Etat permettant une allocation rationnelle des ressources.
La Côte d’Ivoire, en signant la déclaration d’Abuja en 2001, s’est engagée à allouer au moins 15% des dépenses publiques à la santé. Malgré la sortie de crise sociopolitique en 2011, le point d’achèvement de l’initiative Ppte en 2012 réduisant la dette extérieure de 24%, et une croissance économique moyenne de 8% par an depuis 2012, la Côte d’Ivoire n’est pas parvenue à honorer ses engagements internationaux, les dépenses publiques de santé représentant moins de 6% du budget de l’état.
C’est donc avec étonnement que nous avons pris connaissance d’un article publié le 11 octobre 2019 par l’agence ivoirienne de presse – Aip – faisant mention que l’Etat de Côte d’Ivoire aurait consacré 16,6% du budget 2020 à la santé. Cette information publiée par une agence de presse publique et relayée par le média Yeclo est en contradiction avec le projet de budget 2020 selon lequel l’Etat de Côte d’Ivoire ne consacrera que 446 milliards fcfa, soit 5,5% du budget de cette année, à la santé.
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Toujours selon ce même article de l’Aip, le gouvernement aurait alloué une enveloppe de 1000 milliards fcfa à la couverture maladie universelle (Cmu) sur deux ans, au titre du programme social du gouvernement. Pourtant, les projets de loi de finances de 2019 et 2020 ne donnent aucune information sur l’allocation de ces fonds.
Selon le plan de trésorerie prévisionnel de 2020, le gouvernement investira cette année 11,8 milliards fcfa pour la Cmu, dont la mise en oeuvre a été confiée à l’inévitable argentier du clan Ouattara, Adama Bictogo, qui a créé pour l’occasion l’entreprise Snedai-Cmu. Le budget de 2019, quant à lui, prévoyait 382 milliards fcfa pour la santé, dont 10 milliards pour les dépenses d’abonnement, 174 milliards pour les dépenses de personnel, 127 milliards pour les dépenses d’investissements et 68 milliards libellés « autres dépenses ».
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Comment est-ce possible que l’Etat de Côte d’Ivoire alloue 1000 milliards fcfa à la Cmu en 2019-2020, alors que le budget cumulé de la santé sur la période est de 828 milliards (soit 382 Md pour 2019 et 446 Md pour 2020) ?
Nous attirons donc l’attention des autorités ivoiriennes pour plus de clarté et de lisibilité dans les informations communiquées aux citoyens. Cela participe de la bonne gouvernance et de la transparence dans la gestion des deniers publics.
C’est le lieu de rappeler que le Pr. Mamadou Koulibaly, une fois élu président de la République le 31 octobre 2020, allouera 15% du budget de l’Etat à la santé, tout simplement en réduisant le train de vie de l’état, le nombre de ministères à quinze, en supprimant les institutions inutiles et budgétivore telles que le sénat, la grande chancellerie, le médiateur de la République et le conseil économique et social etc.
Par ailleurs, la mesure “personne ne sort”, qui consiste à interdire l’évacuation sanitaire et les soins à l’étranger aux gestionnaires de fonds publics (président de la république, ministres, députés, maires, directeurs généraux de ministères et d’entreprises publiques et parapubliques…) incitera fortement ces derniers à porter toute l’attention et la rigueur nécessaires à ce secteur crucial, en investissant en priorité dans la formation de qualité des personnels médicaux, la construction, l’équipement et la mise à niveau des établissements de santé et de plateaux techniques performants, ainsi que la libéralisation du marché du médicament, pour l’amour de la Côte d’Ivoire.
Jean-Charles Wognin
Délégué National à la Santé
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