Ce lundi 23 Novembre 2020, les représentants légaux de monsieur Soro Guillaume Kigbafori ont accordés une interview à la rédaction leadernewsci. Cette série de questions réponse était pleine d’eclaircissement sur la situation sociopolitique voire juridique de monsieur Soro Guillaume en particulier et de la Côte d’Ivoire en général.
Voici-dessous l’intégralité des échanges
Maître Robin Binsard et Maître Charles Consigny, tous deux avocats de M. Guillaume Soro, ont accepté de répondre à nos questions:
1- Pourquoi Soro Guillaume ne rentre-t-il pas en Côte d’Ivoire pour répondre de tout ce dont il est accusé (« tentative de déstabilisation » et « détournement de deniers publics ») ?
Robin Binsard : La JusticeFrançafrique: comment Macron a perdu toute crédibilité en Afrique ivoirienne a démontré son asservissement au gouvernement, et son mépris pour le principe de séparation des pouvoirs. L’institution judiciaire est devenue le bras armé du Président sortant. Dix-neuf proches de Guillaume Soro ont été incarcérés arbitrairement, du jour au lendemain, au seul prétexte de leurs liens avec ce dernier. Notre client a été condamné dans le cadre d’un procès surréaliste à 20 années de prison, sans avoir accès à la copie de la procédure, en son absence et celle de ses avocats, et en violation de toutes les règles du code pénal. Il n’y a plus aucune garantie contre l’arbitraire en Côte d’Ivoire, l’état de droit n’existe plus. Il suffit pour s’en convaincre de lire les ordonnances rendues les 15 avril et 22 septembre 2020 par la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, qui relèvent méthodiquement les différentes violations des droits et libertés fondamentaux de Guillaume Soro et de ses proches. Comment faire confiance en cette Justice ?
2- Compte-t-il rentrer un jour ?
Charles Consigny : Le souhait de Guillaume Soro n’est pas de vivre hors de son pays, loin de ses proches, mais les circonstances l’ont contraint à l’exil. Un retour précipité l’exposerait à des risques considérables. La récente incarcération du Premier Ministre Pascal Affi N’Guessan et les traitements auquel il est exposé en détention illustrent ce danger. Plus de cent ivoiriens sont morts lors de manifestations de l’opposition.
3- Il a dit qu’il n’y aurait pas d’élection ce 31 octobre. Il a appelé au boycott actif et y a eu des morts. Le gouvernement l’accuse d’être derrière ces nombreux massacres pré et post-électoraux… un mot pour sa défense !
Robin Binsard : Ces accusations de massacre sont évidemment fermement contestées, et ne reposent sur aucun élément sérieux. S’agissant du boycott de l’élection, je vous rappelle que le Conseil Constitutionnel a fort opportunément écarté de nombreuses candidatures, y compris celle de M. Guillaume Soro, sous des artifices juridiques fallacieux. Je vous rappelle également que la commission électorale n’avait d’indépendante que le nom, et ne présentait aucune garantie d’impartialité vis à vis du pouvoir sortant. C’est à croire que le Président sortant a souhaité appliquer à la lettre le bon mot de Coluche : « La dictature c’est ferme ta gueule, la démocratie c’est… cause toujours ! ». Devant une telle parodie de démocratie, on comprend aisément le choix d’avoir appelé à la désobéissance civile.
4- Pis, plusieurs sources affirment que lui et l’opposition voulaient faire un coup d’État. Il a même tweeté qu’il ne reconnaissait plus Alassane Ouattara comme président. N’est-ce pas là une manière de corroborer ces propos?
Charles Consigny : Les allégations de coup d’Etat relèvent du fantasme. Il n’y a aucune preuve là-dessus. Relayer ces accusations fantaisistes, c’est faire œuvre de désinformation. S’agissant du refus de reconnaître Alassane Ouattara : sa candidature était inconstitutionnelle, il y a eu de multiples incidents le jour du vote, Guillaume Soro et Laurent Gbagbo ne figuraient pas sur les listes électorales, des arrestations arbitraires ont eu lieu parmi les membres de l’opposition avant et après le scrutin… Tout cela a été observé et détaillé par mission internationale d’observation électorale (MIOE) de l’EISA et du Centre Carter, qui considère que « le contexte politique et sécuritaire n’a pas permis d’organiser une élection présidentielle compétitive et crédible ».
5- Déjà en décembre 2019, comme preuve de coup d’État, le gouvernement a révélé un enregistrement sonore dans lequel on entendait votre client en pleine élaboration de stratégie de guerre. Affoussiata B.L n’a pas nié. Elle a déclaré que le contexte était différent. Vous pouvez nous éclairer ?!
Robin Binsard : D’abord, notre confrère a toujours indiqué que l’enregistrement était tronqué, et qu’il avait été réalisé de manière illicite. Une instruction a d’ailleurs été ouverte en France afin de faire la lumière sur ces faits, susceptibles de recevoir les qualifications pénales de captation illicite de la vie privée, de montage illicite et de tentative d’escroquerie au jugement. Ensuite, jamais M. Guillaume Soro n’a eu l’intention d’élaborer une quelconque stratégie de guerre. Comme Me Bamba Lamine l’a souligné, les propos sont incomplets et hors contexte. Tout cela me rappelle la célèbre phrase du Procureur révolutionnaire Antoine Fouquier-Tinville « Donnez moi une phrase de n’importe qui et je me charge de le faire pendre ».
6-Ses nombreux appels au désordre et à manifester ont suscité de vives émotions. Un internaute a déclaré « on ne se comporte pas ainsi avec le peuple qu’on veut gouverner ». Ses démarches, ne sont-elles pas exagérées ?
Charles Consigny : L’objet de ces démarches est de faire front contre le troisième mandat inconstitutionnel du Président sortant. La constitution ivoirienne est claire sur ce point, et le nombre de mandat est limité à deux. Coordonner un mouvement de protestation politique et mener des manifestations pour exiger l’application du texte le plus important de l’ordre juridique est une démarche légitime pour celui qui souhaite gouverner. Je vous rappelle que le Président de la République est le premier magistrat du Pays et qu’à ce titre il doit veiller au respect strict des règles constitutionnelles.
7- Votre client a t’il été expulsé de France ? Vous avez récemment déclaré que le mandat d’arrêt émis contre votre client était illégal, sur quelle base proclamez vous l’illégalité de cet acte ?
Robin Binsard : Les allégations selon lesquelles M. Guillaume Soro aurait été expulsé de France sont calomnieuses, et ce dernier dispose de tout les documents légaux et titres nécessaires afin de séjourner en toute légalité sur le territoire français. Les autorités ivoiriennes se sont répandues le 21 novembre 2020 sur les réseaux sociaux en partageant une demande de transmission d’un mandat d’arrêt aux autorités françaises. Il s’agit d’une opération de communication, qui, juridiquement, n’a aucune chance de succès. L’article 696-4 du Code de procédure pénale français prévoit qu’aucune extradition ne peut être accordée lorsqu’elle repose sur un mobile politique, ou encore lorsque les institutions judiciaires de l’Etat requérant l’extradition ne garantissent pas le respect des droits de la défense. Nous attendons de pied ferme leur demande d’extradition, car nous le savons, le droit est de notre côté.
8- La communauté internationale félicite le Président pour sa victoire. Bédié accepte le dialogue ! Amon Tanoh et Gbagbo ont désapprouvé le CNT. Ne serait-il pas mieux de capituler ?
Charles Consigny : L’ouverture d’un dialogue n’est certainement pas synonyme de capitulation. Les discussions sont, à ce jour, suspendues à la libération des prisonniers politiques. Notre client ne peut tolérer des atteintes aussi patentes à l’Etat de droit, le mépris des textes constitutionnels et les persécutions perpétrées contre l’opposition. Il milite pour la démocratie.
9 – Que répondez-vous aux accusations d’Emmanuel Macron, qualifiant les déclarations de votre clients d’appels à la déstabilisation ?
Robin Binsard : Les propos du chef de l’Etat français n’engagent que lui, et n’ont pas vocation à empiéter sur la vie politique ivoirienne, et encore moins à présupposer de qualifications pénales. Guillaume Soro est droit dans ses bottes, il continuera de mener son action politique pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel et de l’état de droit en Côte d’Ivoire. Qu’importe les propos des uns et des autres, l’histoire ne retiendra que les actes, et Guillaume Soro a le temps devant lui.
Cela fait longtemps qu’il a fait sienne la maxime de La Fontaine selon laquelle : « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ».
10 – Où en êtes vous avec les procédures visant les cadres du régime Ouattara devant les juridictions internationales ? Comment comptez-vous obtenir justice pour les victimes d’actes de barbarie perpétrés lors des manifestations contre le troisième mandat ?
Charles Consigny & Robin Binsard : A ce jour, toutes les procédures internationales que nous avons menées, avec les autres confrères ivoiriens et parisiens, nous ont donné gain de cause : outre les deux ordonnances de la Cour Africaine des Droits de l’Homme, deux avis ont été rendus par l’Union Interparlementaire en faveur de notre client et contre l’Etat ivoirien. Une instruction a été ouverte sous l’autorité du pôle crime contre l’humanité du Tribunal judiciaire de Paris afin d’établir les différentes responsabilités sur les différentes exactions, tortures et actes de barbarie commis contre les dix-neuf proches de Guillaume Soro.
La saisine des juges français repose, notamment, sur la compétence universelle issue de la convention de New York. Les différents groupes de travail du Comité des Droits de l’Homme des Nations-Unies ont également été saisis et nous ne doutons pas que leurs conclusions abonderont vers la réprobation des actes commis sous les ordres du Président sortant. La récente répression des manifestants de l’opposition interroge sur l’opportunité d’autres recours, en France mais aussi devant les juridictions internationales, car des violations graves et répétées des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ont été commises et continuent de l’être en ce moment même.